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Une RCH... et après ?

Et après ?

6 Février 2020 , Rédigé par Une rch... et après ? Publié dans #Stomie, #Réflexions

Le 5 juillet 2018 (soit 1 an et demi après ma stomie définitive. Ca c'est pour vous donner des repères, parce que c'est un peu marquant dans une vie d'avoir une stomie définitive ! ), j'écrivais.

-Certaines choses sont toujours vraies, d'autres ont évoluées. Même si tous ces ressentis ne sont plus d'actualité, je me disais que c'était intéressant à partager pour, justement, voir l'évolution. Et pour, aussi, vous montrez, vous qui traversez des choses similaires, que pour moi qui vais bien maintenant (à 3 ans de la stomie définitive), le processus de reconstruction psychologique a été très long. Alors c'est peut-être une façon pour moi de vous donner du courage, pour que vous teniez le coup parce que, moi aussi, je suis passée par des périodes de doutes extrêmes et que, comme on me l'avait dit, avec le temps, les choses ont trouvé leur place. -

"Je vais mieux. Je vais bien même. Mais... Mais j'en ai marre encore de plein de choses.

Je suis encore triste. Souvent. Frustrée, aussi. En colère. Parfois... et je me sens tellement abîmée par tout ce que j'ai pu vivre...

Je suis triste, frustrée, en colère de ne plus pouvoir faire ce que je faisais avant. Triste que ce soit si difficile de reprendre une vie simple et normale. Triste de devoir faire des efforts pour tout.

Je n'arrive toujours pas à me détendre. Je suis constamment angoissée. J'ai peur de tout et surtout de perdre le contrôle. Et je n'arrive pas à profiter de ce qui fait de la vie la vie : les imprévus, les laisser-aller, les lâcher-prises, les sensations, le piment... J'ai une carapace tellement épaisse qu'elle me rend rigide et mes réponses deviennent artificielles, programmées et adaptées à une situation.

Et mon corps. Mon corps aussi a peur. Il est toujours sur la défensive. Toujours sous tension... alors qu'il n'y a plus de raison maintenant. Je n'ose plus faire les choses. Je n'accepte plus de perdre un tant soit peu de contrôle sur les choses. Du coup, je suis épuisée.

Pas de spontanéité mais du contrôle. Sur tout. Tout le temps.

C'est épuisant et tellement frustrant. Et tellement, tellement, ennuyeux.

Je fais comment pour reprendre confiance ? Pour accepter de prendre à nouveau des risques. Pour laisser la possibilité à mon corps de kiffer les choses, lui redonner confiance en ses sensations.

Je veux ressentir. Je veux que la protection cède. Je veux être vivante, plus seulement sur le papier mais aussi dans mon ressenti. Je ne veux plus du lisse tout rigide et plaqué. Je veux de la folie, du vibrant, du non programmé.

Je ne sais même plus si c'est normal d'en avoir marre de tout ça... ou si c'est que je suis trop exigeante.

Mon copain me dit que la normale, c'est de ne pas avoir mal, jamais. Parce que oui, il a de ça aussi dont j'ai marre : d'avoir mal, même si objectivement et comparé à tout ce que j'ai vécu, je n'ai presque plus mal. Mon copain me dit que lui, les gens, la plupart des gens n'ont pas mal au quotidien. Mais moi c'est tous les jours que j'ai mal. Pas tout le temps. Pas très fort. Mais j'ai mal. Au ventre. A la stomie. A l'anus. Au vagin. Là où on m'a ouvert. Là où on m'a recousue. Là où ça a changé. J'ai mal quand je fais l'amour. Quand j'essaie. J'ai mal entre 2 changements. J'ai mal quand je stresse.

Et j'ai peur. Peur de tout. Peur d'être à nouveau malade. Peur que mon copain soit malade. Peur d'avoir à revivre ce que j'ai déjà vécu. Je n'ai plus confiance en l'avenir. Je doute. Je me prépare en permanence à un éventuel coup bas de la vie.

Par rapport à mes sensations. Ce mal de ventre là, c'est lequel ? Le classique, le pas sérieux ? ou celui qui veut dire "occlusion", "infection", "perforation", "hôpital" ?

Par rapport à la poche. Je ne peux faire une soirée tranquille chez des amis sans que la contrainte de ma poche ne m'occupe la tête. Où sont les toilettes ? La chasse d'eau va-t-elle marcher ? Va-t-elle contenir suffisamment d'eau ? Ou vais-je devoir attendre que le réservoir se remplisse totalement avant de pouvoir appuyer à nouveau sur le bouton alors que quelqu'un attend dehors ? Ai-je pris des mouchoirs s'il n'y a plus de papier ? Et l'odeur ? Les toilettes donnent sur le salon... (il faut vraiment que les archi arrêtent de mettre des toilettes qui donnent directement dans le salon ou la salle à manger... Vraiment !) Et la nuit, quand je ne dors pas chez moi. Un sommeil entrecoupé de vérifications. Comment ma poche est-elle ? Faut-il que je me lève ? Pas de sensation humide. Ouf c'est bon, le système tient.

Alors, peut-être bien que ce que je vis n'est pas tout à fait normal. Peut-être bien que ce que je ressens ne l'est pas non plus. Peut-être que d'autres vivent la même chose que moi. Peut-être qu'ils ressentent la même chose que moi. Et peut-être pas. Une chose est sure, c'est que je vis ce que je vis et je ressens ce que je ressens : je vais mieux, je vais bien même... mais j'en ai encore marre de pleins de choses !
"

Texte écrit il y a quelques mois (juillet 2018). Je le reprends aujourd'hui (avril 2019), après plusieurs mois donc. Depuis, j'ai mis des choses en place, j'ai remis du "normal" dans ma vie. J'ai avancé un peu aussi dans ma re-découverte des sensations et limites de mon corps. Mais certaines choses restent vraies : je suis encore triste souvent, fatiguée aussi, en colère, à fleur de peau émotionnellement. Mais ma carapace s'étiole et me laisse plus vivre. Je vais encore mieux et ça c'est une bonne chose ! J'ai repris l'activité physique, je sors, je vais au resto, à des concerts, je ne dors pas chez moi (mais ça me stresse encore). J'ai moins souvent mal qu'à l'époque même si j'ai encore quasiment tous les jours une douleur qui pointe son nez, ne serait-ce que pour quelques minutes.

Je reste vigilante aux sensations de mon corps, en particulier vis à vis de ma stomie. Mais c'est maintenant une juste vigilance, celle dont j'ai besoin pour me sentir en confiance, pour savoir que j'ai le contrôle mais ce n'est plus de l'hyper-vigilance.

Et surtout, j'ai beaucoup moins peur aujourd'hui. Je suis beaucoup moins angoissée vis à vis de la maladie en général et ma santé en particulier. J'ai repris confiance. La confiance, ça met du temps à revenir, mais elle finit par revenir quand la vie le permet. Ma vie, maintenant, le permet.

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G
Texte magnifique duquel se dégage aussi une énorme souffrance. Je souffre d'une grave sténose depuis un an et qui fait suite à une opération (milligan-Morgan ) ("je souffre" enfin je veux dire tout en bas de ma petite échelle par rapport à ce que vous endurez.. .). Pour autant, je me retrouve totalement dans ce que vous vivez : liens sociaux "endommagés", douleurs, peur, honte parfois, difficultés voir impossibilité de dormir ailleurs que chez moi,vie professionnelle perturbée, exercices physiques limités etc..). Je refuse de me faire réopérer par peur des suites opératoires que j'ai déjà subi et dont je ne veux plus... <br /> <br /> J'apprécie beaucoup votre blog que j'ai découvert par hasard. Notamment lorsque vous parlez de vos randonnées en montagne ( j'y habite) . C'est aussi de cette manière que j'ai pu oublier mes petits soucis ( hernie discale en autre que j'ai soigné par la marche).<br /> <br /> Bravo pour votre force, votre beauté intérieure, votre courage !
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U
Merci Greg pour ce très gentil message. Ça me touche beaucoup. Concernant votre problème de sténose, j'imagine que vous devez beaucoup souffrir... Devez-vous faire des dilatations pour éviter une occlusion totale ? Je comprends votre appréhension des suites opératoires (j'ai une petite expérience des complications post-op !), mais si c'est la solution pour retrouver une vie normale, ça vaut le coup d'y réfléchir, non ? Bon courage pour tout ça et j'espère que ça vous laisse suffisamment de liberté pour continuer de profiter des montagnes, ça fait tellement de bien ! A bientôt et bon courage pour la suite. Je vous souhaite de retrouver au plus vite un équilibre qui vous convienne.
S
Coucou ! Comme il est bon de te lire ! Même si les mots sont durs, si tout celà est difficile... <br /> <br /> J'ai annulé un voyage en Amérique du sud à cause d'une éventration peristomiale. Dur dur pour le moral, je devrais seulement être opéré d'ici peu. Hâte de faire disparaitre cette énorme boule de mon ventre. <br /> <br /> Grosse perte de vitesse après avoir bien voyagé et triomphé de cette ileostomie. Malheureusement, dans la réalité, on ne peut en triompher. Elle est là, toujours, le jour, la nuit... La gène, l'angoisse de la fuite... Le sentiment de ne pas avoir le contrôle. <br /> <br /> Le corps vit, l'esprit survit, les cicatrices sont là, gravées dans le corps et dans l'âme. Nous devons faire avec. Nous n'avons le droit à l'insouciance... <br /> <br /> Bien à toi
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U
Merci S.k. pour ton message. <br /> Fais chier cette éventration... j'espère que tu seras vite remis sur pied et que tu pourras repartir voyager et profiter de ta passion. D'ailleurs, ce sera à nouveau possible à terme de repartir ? Vu les charges que tu portes, ça va sûrement prendre beaucoup de temps... Courage à toi. Accroche-toi !